Accouchements : une roue révolutionnaire

La maternité de l'hôpital Saint-Joseph est la première de France à s'être équipée de la "roue de naissance Roma". Un dispositif qui facilite l'accouchement en position verticale.

"Dès qu'on m'a proposé d'accoucher dans cette roue, j'ai dit "banco", sans même l'essayer. Et je ne regrette pas du tout". Mireille Cherbonel serre sur son coeur Philippe, son premier enfant, et ne tarit pas d'éloges sur la "roue de naissance Roma".

"J'ai pu changer de position suivant la douleur, et me laisser bercer. Au bout du compte c'était très confortable". Mireille est une des premières utilisatrices de ce siège d'accouchement dont la maternité de l'hôpital Saint-Joseph, à Marseille, vient de faire l'acquisition.

"Il nous fallait une salle supplémentaire, nous en avons profité pour acheter la première "Roma" de France, qui coûte 160 000 francs" s'enorgueillit Claude Vallette, chef de service à la maternité. Une centaine de cliniques en Allemagne, en Suisse et aux Pays-Bas ont déjà adopté cette nouvelle manière d'accoucher et "Roma" doit faire son entrée cet été en Russie et au Japon.

Voir naître l'enfant

"Roma", du nom de la première enfant mise au monde à l'aide de la roue, se compose d'un support, de deux moteurs et d'un siège avec appui-nucal, où s'installe la femme enceinte. Celle-ci se place dans la position qui lui convient le mieux – et la fait le moins souffrir – en phase de travail ou en phase d'accouchement.

"L'accouchement vertical présente de multiples avantages, assure Paul Degen, "inventeur" de la roue de naissance. Par le simple jeu de la gravité, la dynamique des contractions est renforcée. La dilatation du col de l'utérus est favorisée et la descente du bébé dans la filière pelvienne se fait plus rapidement.

"Les échanges respiratoires et sanguins vers l 'utérus et le placenta sont plus efficaces. Et puis, psychologiquement, il est important que la mère puisse voir la naissance de son enfant. Sa relation au nouveau-né est plus intense".

Paul Degen, d'origine suisse, n'est pas obstétricien mais artiste. Paralysé pendant plusieurs semaines à la suite d'une hernie discale, il souffrait de constipation chronique et se trouvait dans l'obligation de rester couché.

"Ce que je désirais le plus au monde, explique-t-il, c'était de pouvoir me mettre en position verticale et m'agripper. A force d'y penser, je me suis dit qu'une femme sur le point d'accoucher doit avoir le même souhait. J'ai alors commencé à faire quelques croquis, et les médecins, les sages-femmes ont trouvé ça formidable".

Une méthode ancienne

Paul Degen se défend pourtant d'avoir inventé une nouvelle méthode d'accouchement. La plupart des naissances enregistrées sur la planète ont lieu en position verticale et l'accouchement traditionnel, en position allongée ne s'est imposé que récemment.

"Ce n'est que lorsque les hommes se sont mis en tête d'accoucher les femmes à la fin du XIXe siècle, qu'ils les ont allongées, confirme Jean-Pierre Sicard, chef de service à la maternité. Avec la roue nous retrouvons la position la plus naturelle, physiologiquement parlant, tout en profitant de la technologie moderne".

"Roma" est, bien sûr, équipée du dispositif complet de surveillance. Un moteur autorise même une élévation de la spirale, ce qui permet au médecin et à la sage-femme de travailler à la hauteur qui leur convient, sans que la position de la future mère change le moins du monde.

"Il est trop tôt pour tirer un bilan, conclut Jean-Pierre Sicard. Mais pour l'instant, toutes les mères sont satisfaites. Je pense que la roue de naissance a beaucoup d'avenir. C'est une façon d'accoucher beaucoup plus conviviale moins clinique, et c'est aussi important que la sécurité..."

Le Méridional, 13 juillet 1995